Créer notre propre histoire

Publié le 02/12/2015

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Sur les murs des espaces de coworking de Place B, les écrans plasma affichent  un des slogans de notre laboratoire de nouveaux récits autour de la COP 21,  du changement climatique et de la société post-carbone  : « Create our own story », créer notre propre histoire. Que ce soit en anglais ou en français le mot histoire n’est pas anodin. Il vient du grec ancien historia, signifiant « enquête », « connaissance acquise par l’enquête », qui lui-même vient du terme, hístōr signifiant « sagesse », « témoin » ou « juge ».  

Un mot polysémique, qui selon la définition du Larousse,  désigne d’une part « la connaissance du passé de l’humanité et des sociétés humaines et d’autre part, le récit portant sur des événements ou des personnages réels ou imaginaires, et qui n’obéit à aucune règle fixe ».  

A Place to B, nous sommes à la croisée des deux acceptions. En écho à ce qu’il se passe au Bourget, où  la communauté internationale se trouve justement au rendez-vous de l’Histoire, Place to B, lieu de contre-pouvoir citoyen, a vocation à raconter de nouvelles histoires, digitales, radiophoniques, audiovisuelles, artistiques pour réinventer , co-créer notre propre Histoire, celle de l’humanité.  En tant que Média, nous n’avons pas le choix. Comme le déclarait  lundi Paul Biya le président du Cameroun, «  Il s’agit d’assurer la survie de l’espèce humaine ! ».  Pas forcément celle de la planète, qui elle nous survivra.

Notre responsabilité sociétale en tant que média

Comment alors raconter ces histoires ? Quel est notre parti pris ?

Doit-on appliquer des règles journalistiques d’objectivité, qui parfois conduisent à des absurdités au vu du contexte actuel ? Trop longtemps, les médias ont mis sur un pied d’égalité les informations alertant sur les dangers climatiques et les climato-sceptiques. Résultat : dans un sondage paru sur le figaro.fr ce lundi,  52% des participants répondent que la lutte contre le réchauffement climatique n’est pas une priorité.23423696515_53f5bcbc7f_k (1)

Quid des violences et échauffourées qui ont eu lieu dimanche dernier place de la République : doit-on en  parler, et mettre l’emphase dessus comme l’ont fait certains médias ?  La raconter  ne revient-elle pas à la faire exister davantage et éclipser du même coup toutes les informations positives qui ont eu du sens le même jour, comme les 10 000 personnes présentes à la chaine humaine boulevard Voltaire ou  les 8 tonnes de chaussures collectées par Avaaz pour défiler à notre place pour le climat ?

Mais alors, si nous ne racontons pas cette réalité là, serons-nous critiqués pour ne pas avoir joué notre rôle de journalistes ? Risquons-nous d’être traités de « bisounours » ? Voilà toutes les questions que nous nous sommes posées au sein de Place to B, dimanche dernier, jour symbolique du lancement de la COP 21.

Comme tous, nous avançons à tâtons, dans le doute, pour ne pas être des « CON-VAINCUS ».

Pour autant, nous avons choisi de ne pas traiter cette information. Tout du moins dans un premier temps. Et ce,  pour plusieurs raisons.

La première, c’est que les médias traditionnels l’ont fait à notre place. Et notre mission à nous, c’est de raconter un autre discours. Nous essayons de décrypter, transmettre la complexité, mais aussi de cartographier la société post-carbone : « Nous sommes avec, nous ne sommes pas contre »,  ne cesse de répéter Anne-Sophie Novel, fondatrice du lieu.

La deuxième raison, c’est que nous n’avions pas assez de recul sur l’origine de ces actes et que nous ne voulions pas tomber dans ce travers médiatique de « réagir à chaud ». Et surtout, nous étions perplexes : le jour même, il était raconté qu’il s’agissait de  manifestants anti-COP21. Pour ou contre COP 21, peu importe. Nous craignions les amalgames du type « la COP 21 ou l’écologie réveille de la violence ». Nous noterons au passage que les médias utilisent beaucoup le mot d’« activistes » pour désigner les écologistes. L’utilisation de ce même mot pour désigner les terroristes crée ce que l’on appelle une « distorsion cognitive » au sujet de l’écologie, dans une période d’actualité chargée en raison des événements du 13 novembre : elle entretient des pensées et des émotions négatives.

Indéniablement, les images de CRS , de gaz lacrymogènes place de la République, leurs fourgons imposants, et l’information  des 317 personnes placées en garde à vue dimanche soir, nous maintiennent dans une ambiance de peur. Or nous le savons : la peur paralyse et réveille des réactions primaires, reptiliennes et nous coupe de nous-même, de notre créativité. De notre puissance.  

Chain-2

Alors, depuis Place to B, on s’interroge : les médias n’ont-ils  pas une co-responsabilité dans la violence collective et une certaine forme de paralysie citoyenne qui en découle ? N’est-il pas temps aussi que les médias fassent leur propre remise en question et leur propre transition ? Nous avons, à travers notre programme et le choix de nos invités, envie d’encourager les citoyens à agir chacun à leur échelle sans culpabiliser. En partageant une vision positive de l’avenir, nous pouvons tous être des acteurs du changement. Un projet collectif de vivre ensemble pour « grandir en humanité » comme le rappelle souvent le philosophe Patrick Viveret.

Enthousiasme collectif

La peur et le désir sont les deux revers d’une même médaille. Nous, nous optons pour le désir. Nous souhaitons libérer les enthousiasmes individuels pour co-créer l’enthousiasme collectif.

D’ailleurs, concernant les événements de dimanche, nous savons aujourd’hui que sur les 317 gardes à vues, seules 9 ont été prolongées lundi. Dans un article daté du 30 novembre, intitulé : Ce que l’on sait des débordements de la place de la république, sur le monde.fr,  on apprend que « plusieurs groupes de manifestants ont convergé vers la place en début d’après-midi avec des projets différents : à l’appel d’associations pour la préservation du climat, des militants se sont rassemblés autour d’un message uniquement écologiste, tandis que plusieurs mouvements politiques de la gauche anticapitaliste qui avaient prévu de marcher pour le climat sont également venus protester contre l’état d’urgence et l’atteinte au droit de manifester ».

Ainsi, parmi les centaines de personnes présentes, seules 10 étaient venues pour « casser ». Seulement 10 personnes ont pris en otage des centaines d’autres dans les lignes de journaux qui ont tendance à tirer de trop rapides conclusions. D’autant plus que quelques jours avant la COP 21, les « militants écologistes » étaient déjà la cible de l’état d’urgence.

Alors, médias,  journalistes, bloggeurs, acteurs de la société civile, ne nous trompons pas de combat. Le nôtre, en tous cas, c’est celui de créer notre histoire, à mi-chemin entre passé et avenir, dans laquelle nous essayons de dessiner les contours d’un présent désirable.

Et oui, le journalisme d’impact ou de solutions, celui que nous revendiquons à Place to B, est bel et bien du vrai journalisme : il participe aussi à l’élévation de la conscience et à la démocratie.  Alors, comme disait le Dalaï lama : « give people hope » !  Nous évoquions dans un billet la légende amérindienne du bon et du mauvais loup. Il est de circonstances de la raconter encore et encore…

« Un vieil Indien Cherokee racontait la vie à ses petits-enfants… Il leur dit :  » Je ressens un grand tourment. Dans mon âme se joue présentement une grande bataille. Deux loups se confrontent. Un des loups est méchant: il « est » la peur, la colère, l’envie, la peine, les regrets, l’avidité, l’arrogance, l’apitoiement, la culpabilité, les ressentiments, l’infériorité, le mensonge, la compétition, l’orgueil.

L’autre est bon: il « est » la joie, la paix, l’amour, l’espoir, le partage, la générosité, la vérité, la compassion, la confiance. La même bataille se joue présentement en vous, en chacun de nous, en fait. Silencieux, les enfants réfléchissaient… Puis l’un d’eux dit :  » Grand-papa, lequel des loups va gagner  » ? Le vieux Cherokee répondit simplement : » Celui que tu nourris ».

Valérie Zoydo

Place

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