La question climatique n’est-elle pas profondément systémique et radicale ? Systémique car elle interrogerait l’ensemble des domaines d’activité sociale ; radicale car elle supposerait de revenir aux racines de nos structures collectives pour définir d’autres manières de vivre ensemble.
La « question climatique »
Le défi climatique serait ainsi un défi politique qui, pour avoir une chance d’être relevé, devrait entraîner une mobilisation contre l’emprise des logiques marchandes pour permettre la valorisation d’organisations alternatives des sociétés. Mais si les mouvements pour d’autres dynamiques collectives trouvent des espaces publics d’expression, les discours contre l’ordre établi sont généralement discrédités.
C’est là une expression parmi d’autres de la dépolitisation du récit climatique, processus dont mes travaux, à partir du cas français, rendent compte. Mes données aident notamment à comprendre comment s’est imposé depuis une vingtaine d’années un cadrage des enjeux climatiques centré sur les individus et (donc) étanche à la critique du cours marchand des choses.
Cette enquête scientifique s’est également attachée à étudier les manières dont les individus se représentent la question climatique et en tiennent compte (ou pas) dans leurs agissements quotidiens. L’analyse conjointe du récit et des attitudes permet ainsi d’expliquer pourquoi la dépolitisation de la question climatique vient finalement renforcer la valeur symbolique des styles de vie caractéristiques des catégories sociales moyennes (et) supérieures, alors même que ces styles de vie, en dépit de bonnes intentions écocitoyennes, demeurent généralement les plus émetteurs de gaz à effet de serre.
A rebours de la dissociation de l’individu et du collectif au principe de la dépolitisation des questions écologiques, les sciences sociales invitent à penser l’individu comme du social incorporé. Politiser le problème climatique, ce serait alors en faire non pas tant une affaire morale, culturelle, marchande ou technologique, qu’un enjeu qui questionne frontalement l’architecture des rapports sociaux au sein desquels se forgent nos aspirations, nos affects et nos catégories d’entendement.
Une analyse sociologique de Place to B
Dans le prolongement de ce travail, je m’intéresse plus spécifiquement aux mobilisations citoyennes oeuvrant à une « transition » vers des sociétés postcarbones. A l’image de Place to B, ces mouvements semblent se situer à l’interface des organisations militantes et des institutions conventionnelles (qu’elles soient politiques, culturelles ou économiques), donc à la croisée de conceptions différentes, parfois complémentaires, souvent antagonistes, des modalités légitimes de cette « transition ».
Mais Place to B, c’est également un dispositif cosmopolite où vont se rencontrer des traditions et des imaginaires politiques forgés aux quatre coins du monde. En observant au plus près des COPilotes comment ils élaborent ensemble un autre récit sur le climat, c’est d’une certaine façon « la société civile internationale » en train de (se) faire que nous souhaitons étudier.
Nous serons par exemple attentifs à la façon dont les audiences auxquelles s’adresseront cet autre récit seront (plus ou moins implicitement) définies. Les COPilotes cherchent-ils à parler à un public mondialisé ? Essaient-ils de tenir compte des différences culturelles et sociales des audiences, et si oui, comment ?
Car Place to B, c’est enfin la fabrique d’un système alternatif de représentations. Il s’agit d’une mobilisation sur les dimensions culturelles du changement dont nous pourrons interroger les présupposés, les contours, les enjeux ainsi que les divergences et convergences avec d’autres rhétoriques de la transformation des sociétés, que ce soit celles des ONG ou des responsables politiques.
Prenez-part à l’étude
Répondre méthodiquement à ce type de questions suppose de savoir qui sont les COPilotes et comment ils inter-agissent. C’est pourquoi, avec Tania Dufner, nous aurions besoin que vous remplissiez un questionnaire (anonyme et confidentiel) qui nous permettra de mieux caractériser la communauté « Place to B ».
Nous mènerons avec vous des entretiens et des observations ethnographiques afin de comprendre les modes de fonctionnement du ou des collectifs formé(s) par les COPilotes. En nous répondant, vous participerez à cette analyse sociologique et contribuerez ainsi à la production de constats à partir desquels peut également se déployer un travail réflexif sur la façon dont on se comporte collectivement.
Jean-Baptiste Comby, auteur de La Question Climatique : genèse et dépolitisation d’un problème public, Raisons d’Agir, 2015
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Crédit photo: Julie Mallet