11h, rue d’Alsace. Des palettes peintes, des sacs de terre et des plantes recouvrent le trottoir. Comme dans une ruche, hommes, femmes et enfants s’affairent. Curieux, les passants s’arrêtent pour regarder le mur végétal qu’ils installent le long de la route. Malgré le froid, ils s’attardent au soleil, posent des questions, veulent en savoir plus.
© Pierre Cattan
Dans le cadre de la Creative Factory, un atelier créatif proposé par Place to B, volontaires et riverains s’associent ce matin pour remplir les palettes de terre et construire un mur végétal, appelé « autoroute à insectes ». Inspirés par l’artiste britannique Paul Beer, ils les ont poncées la veille, puis décorées aux couleurs de la planète. Racines, insectes, nappe phréatique, fossiles.
© Pierre Cattan
Les différentes strates de la terre sont là, recréées à partir de palettes recyclées. « L’idée est de dessiner ce qui se trouve sous nos pieds, là à Paris », explique Pierre Cattan, producteur et fondateur du studio transmedia Small Bang. « Pour assurer la biodiversité en ville, il faut laisser les insectes circuler d’un espace vert à l’autre. D’où l’intérêt de cette trame verte. »
© Pierre Cattan
Le projet naît de la collaboration entre l’agence Oïkos et le studio Small Bang. Le paysagiste Pierre-Edouard Larivière et l’architecte-urbaniste Maria Concetta Sangrigoli en sont à l’initiative. Ils ont répondu à l’invitation de la Creative Factory de Place to B, espérant mobiliser les habitants du quartier grâce à ces ateliers citoyens. « Notre but est de passer de l’idée au faire », selon Ophelia Noor, l’une des organisatrices de la Creative Factory.
« Cette expérience doit être reproductible et partageable. Il faut encourager les gens à refaire ce qu’ils voient ici, à prendre des initiatives », ajoute-t-elle. Une excellente idée d’après Lola Sigogneau, technicienne audiovisuelle militant pour la cause environnementale. « Les changements doivent se faire au niveau individuel, de manière
progressive. Cela passe par de petits gestes au quotidien. »
© Pierre Cattan
Avec minutie et énergie, chacun participe à l’élaboration du mur à sa manière. Des volontaires remplissent les palettes de terre, un petit garçon leur apporte les plantes. Equipé de gants de jardinage, Pierre Cattan se montre également très actif. Il aide à fixer les palettes, prend des séries de photos, discute avec des passants intéressés.
« L’autoroute à insectes » est en réalité la prolongation de l’application Morphosis, élaborée par le studio Small Bang. Accompagnant la sortie du prochain film de Jacques Perrin fin janvier 2016, elle raconte 20 000 ans d’histoire du paysage. L’un des épisodes se concentre sur la biodiversité en ville. Le poursuivre dans la réalité en faisant surgir un corridor de verdure en pleine rue, telle est l’ambition de Pierre Cattan.
© Pierre Cattan
Vers midi, les plantations commencent. Romarin, lierre, thym… Un halo de verdure pour embellir une rue bétonnée. C’est la mairie de Paris qui a encouragé l’initiative de la Creative Factory. Une condition : que les gens du quartier soient impliqués dans le projet. Ce sera en effet à eux d’entretenir leur mur de verdure, d’arroser les 350 plantes qui le composent. Vincent Bales, membre du conseil du quartier, a joué un rôle d’intermédiaire entre Place to B et la mairie du 10e arrondissement. « Il y a beaucoup de passage dans cette rue. C’est une très bonne idée de la mettre
en valeur, » explique-t-il.
Et cette expérience n’est pas la première. Elle a déjà été tentée dans le 14e arrondissement, place Audiard. Pendant six mois, les habitants du quartier ont pris soin de leurs plantes, les ont arrosées quotidiennement, et aujourd’hui, un mur de verdure égaye la place. « Il faut voir comme ça a poussé. C’est formidable ! » Pierre Cattan est confiant, convaincu que l’expérience connaîtra de nouveau un grand succès.
Charlotte Landru-Chandès
