Partie 3 : Mobiliser nos forces intellectuelles, créatives et politiques
Faire un chemin intérieur pour changer notre système de valeurs
Pour être capables d’imaginer un nouvel avenir vivant, cohérent, nous devons d’abord commencer par reconstruire les bases mêmes de notre conception du monde, reconnaître nos erreurs et nos échecs comme la manière dont nous avons traité la Terre et les autres êtres vivants depuis des centaines d’années. Nous avons besoin de changer de système de pensée. Nous avons besoin de nous transformer intérieurement et de raconter cette transformation. C’est exactement là le rôle des histoires. Elles amènent le monde extérieur à l’intérieur et notre vision et notre chemin intérieurs vers l’extérieur.
Nous envisageons la perte en terme matériel et nous ne percevons pas le gain vivant, immatériel d’une vie remplie de partages car nous ne lisons pas le monde avec la bonne grille de valeurs. Un système de valeurs dans lequel la réussite ne serait plus valorisée en termes de conquêtes et de possessions mais en termes de respect de la vie.
La Creative Factory à Place to B
Durant deux semaines complètes en décembre 2015, la Creative Factory a rassemblé des artistes, illustrateurs, photographes, écrivains, créateurs d’entreprises engagés, citoyens militants.
L’objectif ? Réfléchir ensemble à notre manière de penser, créer de nouvelles histoires et un nouveau langage autour de différentes thématiques comme le lien de l’homme à la nature ou la manière d’envisager l’avenir. J’ai participé à ces ateliers d’une intense créativité.
De façon intuitive, les participants cherchaient à recréer un rapport sensible à la Terre. Comme je le raconte dans La Creative Factory, récit d’une expérience unique : « Nous avons fait parler les plantes dans les rues de Paris, nous en avons même plantées. Nous avons créé un nouveau langage, fouillé de nouveaux concepts. Nous sommes passés de bee keepers à planet keepers, puis à human keepers. Nous avons vu à quoi pouvait ressembler un immeuble avec des jardins à l’intérieur. Nous avons tissé un nouvel imaginaire collectif, inventé de nouveaux rituels. »
D’autres articles sur la Creative Factory :
- Nouveau récit climatique : retour sur la Creative Factory
- Pourquoi je me suis inscrit à la Creative Factory
- Creative Factory : l’expression de soi-même, figure du changement
Storytelling et écologie
Lors de l’atelier Storytelling & écologie, organisé avec Eloi Saint Bris et Yvan Rytz, nous nous sommes posés la question du changement intérieur.
Quelles sont les étapes clefs de la révolution intérieure qui amène à refuser le destin funeste qui s’annonce pour l’avenir ? Quel déclic nous fait passer de la passivité à l’action, de la révolution intérieure à la révolution extérieure, du conformisme inquiet à la réflexion et l’engagement en réalité vers un avenir vivant, intéressant ?
Avec la vingtaine de personnes qui se sont prêtées à l’expérience, nous avons allumé un feu symbolique au cœur d’un cercle et imaginé que nous étions installés dans une forêt. Puis, nous avons partagé nos récits personnels en vérité. Lors de cette expérience collective très intense, nous avons réalisé, entre autres choses, que nous partagions un lien fort, émotionnel, personnel à la nature, que ce lien nous amenait tous à vouloir protéger le monde vivant sous toutes ses formes et à porter une vision vertueuse de l’humanité.
A la fin de l’expérience, nous avons comparé nos récits de transformation intérieure au schéma narratif posé par le mythologue Joseph Campbell célèbre pour ses travaux sur la mythologie du héros. Pour l’écrivain, toutes les formes de spiritualité visent à rechercher une force inconnue à la fois intérieure et extérieure dans laquelle tout existe et à laquelle tout retournera. Il a exposé sa théorie du parcours initiatique dans son récit dans « Le Héros aux mille et un visages ». Nous avons confronté nos récits à ses théories et noté que la plupart de nos chemins suivaient un parcours contenant au moins une partie du schéma élaboré par ce spécialiste du récit.
« Se dresser contre tous est peut-être moins pénible que de s’accepter soi-même » écrivait Marguerite Yourcenar. La crise que nous traversons, sans précédent dans l’histoire de l’humanité, nous oblige à reconnaître nos limites. Elle nous pousse à repenser nos schémas de pensée, à créer, à inventer d’autres manières d’être heureux tout en respectant la vie qui nous porte et dont nous faisons partie. Nous sommes les héros d’un présent qui cherche une belle suite, une suite digne, heureuse, respectueuse, vivante et fertile.
Relire les articles de la série « Storytelling et écologie » :
- #1 Isabelle Delannoy – co-scénariste du film Home
- #2 Anne-Sophie Novel – Journaliste et fondatrice de Place to B
- #3 Cyril Dion et Mélanie Laurent – Réalisateurs de Demain, le film
- #4 Mireille Pacquet – professeur de Storytelling
- #5 Tristan Lecomte – fondateur d’Alter Eco et Pur Projet
- #6 Vaia Tuuhia – co-animatrice des ateliers de narration 2050 « Our life 21 »
- Place to B – Workshop on Storytelling & ecology
Alors, d’après vous, comment se termine la crise des peuples de l’arbre ?