5 questions à Delphine Grimberg
Qui êtes vous, Delphine Grinberg ?
A travers mes 3 « casquettes » – auteure, muséologue, et citoyenne engagée – , je propose aux enfants d’explorer le monde en faisant de drôles d’expériences qui questionnent les évidences et de réfléchir positivement à quels terriens nous pourrions être.
3 casquettes, et une même conviction : dans une période de grandes mutations, les enjeux d’éducation sont primordiaux et nous devons inventer de nouveaux chemins pour développer chez les jeunes l’appétit de grandir et d’agir.
J’ai publié 26 livres scientifiques pour les enfants, traduits en 25 langues et 6 fois primés.
Racontez-nous l’action « Mesdames et messieurs les chefs d’état, les enfants ont quelque chose à vous dire ».
Nous avons invité les enfants à adresser des messages personnels aux 196 dirigeants qui ont la lourde responsabilité de préparer le monde de demain, pour les encourager à prendre des décisions courageuses pendant la COP 21, en pensant à la génération future.
Le projet, lancé fin juin avec « 3 fois rien », a immédiatement rencontré un vif enthousiasme.
Plus de 1000 enfants du monde entier ont interpelé B. Obama, F. Hollande, le roi d’Espagne, le pape et les 196 dirigeants … sans s’embarrasser de langue de bois !
Ce projet initié par quelques membres de la société civile a rapidement été rejoint par des partenaires associatifs et institutionnels, parmi lesquels Universcience, des Alliances Françaises en Russie, l’Académie de Créteil, Felipe, Alternatiba, le Printemps de l’éducation, des écoles dans le monde entier…
De magnifiques messages ont été écrits dans un centre de loisirs de Bagnolet, une école nomade de Sibérie, par des fillettes roms à Montreuil, des jeunes réunionnais, haïtiens, marocains, argentins … Des ateliers d’art postal ont eu lieu dans la roulotte messagère des enfants sur la Voie est libre, à Cafézoïde, dans des bibliothèques.
Le but était double : toucher les décideurs en les invitant à se projeter au delà du court terme politique, et sensibiliser les très jeunes citoyens aux enjeux climatiques, avec la fierté d’avoir pris la parole dans un événement majeur, en développant la conscience d’un espace planétaire partagé par tous.
Nous avons rassemblé tous les messages sur le site messagesenfantscop21.strikingly.com.
En cherchant son courrier, un enfant découvre ceux d’autres enfants du monde qui regorgent d’expériences à partager, et expriment la diversité des problématiques locales vue à travers des yeux d’enfants.
Fin novembre, nous avons regroupés tous les messages à Paris afin de les transmettre officiellement, pendant la COP 21. Du fait des attentats, nous n’avons pu remettre ce « trésor des enfants » en mains propres pendant la Conférence. Nous n’avons pas renoncé à les transmettre, au contraire !
Nous voulons poster les messages afin qu’ils parviennent aux chefs d’état rapidement, avant la signature de l’Accord de Paris le 22 avril à l’ONU. Ce sera une excellente occasion d’inciter les dirigeants à retrousser leurs manches durablement.
Nous avons les cartons, la ficelle et les idées. Il manque … les timbres !Pour réussir à financer les envois internationaux d’un montant de 1600€, nous avons lancé une une campagne de crowdfunding.
Comment mobiliser les enfants autour de cette thématique ? Quelles ont été les mots, les formats que vous avez utilisés pour les sensibiliser ?
Nous avons invité les enfants à créer un message aux chefs d’état de leur choix, qui serait transmis pendant la COP 21.Tous les jeunes terriens de 6 à 21 ans pouvaient écrire, dans toutes les langues.
Etaient encouragées la créativité, la sincérité, la qualité. Créativité dans les formes d’expression : art postal, vidéo, dessin… Sincérité d’une expression personnelle à l’enfant. Qualité d’un message qui sera transmis à de grandes personnalités … et dédramatisation sur l’orthographe approximative, du moment qu’on se comprend.
Les enfants ont saisi avec un vif enthousiasme l’opportunité d’interpeller en direct des personnalités, sur un domaine qui concerne leur vie future.
S’ils avaient tous le sentiment « qu’il y a des gros problèmes pour la planète », la plupart n’avaient pas d’idée précise sur la COP et les enjeux climatiques. Prenant très au sérieux l’invitation à s’adresser à de grands personnages, ils se sont documentés en accéléré. Ils ont collecté des idées : leurs lettres fourmillent de suggestions. Ils ont soigné leurs messages, pour donner envie à des personnalités très sollicitées de s’y intéresser.
L’information a fait boule de neige via un site internet que j’ai bricolé, et par bouche à oreille.
Nos outils principaux étaient ce site contenant des ressources documentaires, une invitation PDF et un trombinoscope téléchargeables. (docs joints)
Le trombinoscope permettait aux enfants de décider à quels chefs d’état il souhaitait s’adresser.
Selon vous, quelle est la force des mots des enfants ? Quelles dimensions avez-vous souhaité toucher chez les présidents (émotionnelle, rationnelle…) ?
Les mots des enfants ont la capacité à rappeler aux décideurs les enjeux essentiels, à les inviter à se projeter au-delà du court terme politique, à réveiller une part d’humanité enfouie sous les costumes-cravates.
Pourquoi ?
– Parce qu’un enfant a une légitimité particulière à interpeler les adultes sur les conditions de vie sur terre qu’ils lui préparent.
– Parce que les mots des enfants « tutoient », loin de tout protocole. Ils touchent au cœur, avec fraicheur, drôlerie et sont parfois bouleversants.
– Parce qu’ils expriment une immense confiance. Peut-on les décevoir alors qu’on dit qu’on veut les protéger ?
– Parce qu’ils dévoilent de façon pudique les cauchemars qu’ils font sur l’état du monde. Il est angoissant d’avoir 8 ans aujourd’hui.
Quelle(s) réponse(s) aimeriez vous récolter concrètement ? Pensez-vous que c’est possible ? Avez-vous déjà reçu des promesses, des engagements de la part de certains élus à de hautes fonctions ?
Pour les enfants, c’est très important que l’on réponde à leurs messages. Ils nous le disent vigoureusement : c’est la première des politesses ! C’est d’autant plus important qu’il s’agit généralement de leur première expérience d’engagement citoyen à grande échelle.
Nous avons reçu l’excellente nouvelle que Laurent Fabius s’est engagé à leur écrire prochainement pour les remercier. Nous espérons que certains chefs d’état et Ban Ki Moon à qui nous posterons les missives répondront également.
Plus largement, la meilleure réponse des grandes personnes sera que l’accord de Paris ne reste pas lettre morte, et que petits et grands puissent s’engager dans des actions ambitieuses de transformation, pour construire un monde dans lequel il soit désirable de grandir.
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