En septembre dernier, nous avons débuté notre série d’événements Les Alchimies par un premier chapitre sur l’écologie politique. Réunis au coin d’un feu symbolique, les participants et les intervenants peuvent échanger librement dans une scénographie originale. Nous avons écrit le second chapitre à Bordeaux le 3 octobre dans la Station Ausone, nouvelle salle culturelle de la Librairie Mollat, pour une soirée sur le thème « Pesticides sous tension ».
À quoi ressemblera notre avenir sans pesticides ? Le second chapitre des Alchimies s’est ouvert sur cette question brûlante d’actualité, posée par la journaliste Hélène Seingier-Barros. Installez-vous sur un coin de banquette, réchauffez-vous près du feu des possibles, et laissez-vous porter par la voix chaleureuse de notre conteuse du soir :
Un slam 100% Bio
Pour inspirer les participants et aborder la question des pesticides en humour, la championne de France de Slam Lauréline Kuntz a déclamé un texte spécialement écrit sur le sujet.
« Oh, Doc, je ne gère plus ni mes champs ni mon eau ni mon nom. Docteur, j’en ai gros sur la patate, je suis complètement dans les choux. Je suis un légume. Je pensais guérir de mes famines, je me retrouve aux pesticides anonymes : Monsanto, Bayer, Food Incorporation & Co les Chemical Brothers du crime ont fusionné sur mes terres fécondes, façon Docteur Jekyll and Mister Hyde. »
Le danger des pesticides sur la santé
La salariée agricole Marie-Lys Bibeyran et la très engagée Pauline Lejeune témoignent : les pesticides sont dangereux pour notre santé. Quand l’une a perdu son frère d’un cancer, maladie en lien avec le travail dans les champs et une exposition répétée aux produits chimiques, l’autre se confronte au quotidien aux pathologies de ses proches (cancers, maladie d’Alzheimer, problèmes de fécondité etc.).
Face à cette réalité, toutes deux ont débuté un long combat. Marie-Lys Bibeyran est une lanceuse d’alerte reconnue et médiatisée (au risque d’être victime de menaces et d’accusations diffamatoires) qui lutte pour protéger les riverains et les salariés agricoles des cultures qui utilisent encore des pesticides. Vous pouvez l’aider en signant cette pétition en ligne qui demande l’obligation des traitements bio sur les parcelles à proximité des écoles et des crèches.
Ecoutez son témoignage par-ici :
Pauline Lejeune a quant à elle rejoint les rangs de Générations Cobayes, un mouvement qui cherche à mobiliser les 18-35 ans sur les liens entre pollution environnementale et santé ainsi qu’à interpeller les décideurs économiques et politiques, le tout grâce à la force du web et de l’humour. Exemple en est avec le poster de l’éco-orgasme que Pauline nous présente au coin du feu. Elle a récemment aussi décidé de s’engager en politique grâce à l’initiative « laprimaire.org » qui cherche à faire émerger la candidature d’un(e) citoyen(ne) pour les présidentielles 2017. Vous pouvez soutenir sa candidature en ligne par-ici !
Retrouvez le podcast et le script de son intervention ci-dessous :
Cultiver Bio : entre engagement profond et intérêt économique
Benoît Biteau est agronome et est installé dans sa ferme Val de Seudre – Identi’Terre. Il est paysan bio, pas « exploitant » comme il aime à le rappeler. Ingénieur des techniques agricoles dans un premier temps, il décidera à ses 40 ans de reprendre la ferme de son père, et de « passer à l’acte » pour la planète. Cette reprise d’activité se révéla être un véritable challenge : le modèle économique de la ferme familiale ne fonctionnait plus.
Benoît Biteau s’est retroussé les manches pour changer entièrement de modèle agricole, et rembourser petit-à-petit les stations de storages, les pompages et autres structures de la ferme. La clef de sa réussite ? Revenir à des logiques agricoles de bon sens, tout simplement. Cela ne veut pas dire se passer du progrès, mais l’utiliser au profit de l’intérêt commun, nuance t-il.
Sa chance est de s’être vu confier le statut de vice-président de la région Poitou Charentes en charge des questions de ruralité, d’agriculture, de pêche et de culture marine par Ségolène Royal. Il a pu alors initier de véritables leviers de changement au travers de politiques publiques.
« Quand on est agriculteur aujourd’hui et que l’on perçoit de l’argent public, on est investi dans un contrat moral avec la société civile dont on doit respecter les attentes. »
Vous voulez en savoir plus ? (Re) découvrez son intervention en son, en images et en mots :
Vigneron bio, Philippe Carille de Château Poupille est aussi membre du Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux, le CIVB. Lorsqu’il s’est lancé dans le bio, Philippe Carille n’était pas sûr d’où il allait. Aujourd’hui, 30% des viticulteurs de Bordeaux se sont lancés vers une communication en faveur du bio.
Souffre, cuivre, algues contre le Mildiou… les solutions sont nombreuses pour remplacer les pesticides et aider les plantes à se défendre par elles-mêmes. La viticulture est sur la bonne voie !
Les exploitants agricoles doivent s’approprier ces techniques douces, mais la responsabilité se tourne aussi vers les consommateurs : ce sont à eux de commencer par consommer bio pour faire évoluer les pratiques.
Retrouvez le texte et l’enregistrement sonore de son intervention :
Enfin, le militant chercheur Martin Pigeon a apporté son témoignage. Il étudie l’influence politique des entreprises au niveau européen au sein de l’association « Corporate Europe Observatory » depuis Bruxelles.
Il réfute fermement l’idée que les pesticides sont indispensables pour nourrir la planète, comme le prétendent les slogans des grandes entreprises qui les commercialisent. Pour lui, le grand défi de l’agriculture est de passer de la technique à la connaissance : nous devons arrêter d’organiser l’agriculture autour du produit, mais faire le contraire en adaptant les pratiques à l’environnement local.
Les politiciens ont le dernier mot sur les décisions importantes qui se jouent au niveau européen : ils doivent s’emparer du sujet ! Voter intelligemment, c’est garder la maîtrise sur l’industrialisation des pesticides en Europe. L’avenir doit forcément passer par la mobilisation des opinions publiques.
Découvrez son édifiant témoignage sur les leviers des pouvoirs économiques des grands lobbies, prêts à tout pour gagner quelques décennies d’activité… :
D’autres ressources
Le dessinateur Camille Mazaleyrat a réalisé ce dessin en live pendant la soirée. Projeté sur l’écran de la Station Ausone, il a entrainé de nombreuses réactions de la part du public.
Notre partenaire média Le Drenche a réuni les témoignages de Benoît Biteau et Philippe Carille dans un débat que nous avons republié sur notre blog : Une agriculture sans pesticides est-elle possible ?
Enfin, revivez la soirée en images sur notre galerie Flickr grâce au photographe Mathieu Dubois !