Celui qui deviendra demain le 45e président des États-Unis n’a jamais fait mystère de son opposition à la lutte contre le changement climatique et de son soutien aux énergies fossiles. Pendant les 100 premiers jours de son mandat, Donald Trump a promis de démanteler les politiques de réduction des émissions mises en place par Barack Obama et « d’annuler l’Accord de Paris ».
Mais même l’homme le plus puissant du monde libre *grattement de gorge* ne peut pas annuler seul un accord international signé par 193 pays. Tout au plus il peut en retirer son pays en espérant que d’autres suivront.
Comment le président Trump peut-il s’y prendre pour retirer les États-Unis de l’Accord de Paris ? Et peut-on s’attendre à ce qu’il le fasse ?
Comment les États-Unis peuvent-ils sortir de l’Accord de Paris ?
L’option légaliste (via l’article 28 de l’Accord de Paris)
L’Accord de Paris est entré en vigueur le 4 novembre et il a été ratifié pour les États-Unis par un executive agreement du président Obama. Or pacta sunt servanda, ou pour le dire selon les termes de l’article 26 de la Convention de Vienne : « Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ».
En théorie, donc, les États-Unis doivent respecter l’Accord de Paris et ne peuvent s’en retirer que selon la procédure prévue par l’Accord lui-même. Celle-ci se trouve à l’article 28 et prévoit que l’Accord ne peut pas être dénoncé pendant les 3 années qui suivent son entrée en vigueur et et que la dénonciation prend effet un an après sa notification.
En clair, les États-Unis ne pourraient pas sortir de l’Accord de Paris avant le 4 novembre 2020, c’est-à-dire à la toute fin du premier mandat de Donald Trump.
L’option légaliste (via la dénonciation de la CCNUCC)
Une autre méthode pour sortir de l’Accord de Paris serait de dénoncer non pas l’Accord mais la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques. La CCNUCC, adoptée en 1992, est la base des négociations internationales sur le climat et un pays qui en sortirait quitterait automatiquement l’Accord de Paris (cf. art. 28 al. 3 de l’Accord).
Cette méthode a un avantage : elle est plus rapide. Pour la CCNUCC le délai de trois ans après l’entrée en vigueur est passé depuis longtemps, il ne reste plus qu’un préavis d’un an. En théorie, les États-Unis pourraient donc quitter la Convention et l’Accord de Paris dès le 20 janvier 2018.
Une différence significative tout de même : la CCNUCC n’a pas été signée par un démocrate ami des arbres mais par George Bush père, et elle a été ratifiée dans les formes par le Sénat américain. C’est aussi un des textes internationaux les plus universels avec 196 États-membres, en sortir isolerait gravement les États-Unis.
L’option unilatérale
Ici un préalable un peu technique s’impose. Il faut bien comprendre une chose : un traité international comme l’Accord de Paris se trouve à l’intersection de deux ordres de juridiction : le droit national et le droit international. En cas de conflit, le droit international prime en principe sur le droit national, comme le dispose l’article 27 de la Convention de Vienne ou, aux États-Unis, l’article 6 al. 2 de la Constitution.
Dans le cas de l’Accord de Paris, il existe de plus un doute sur la légalité (au regard du droit national) de sa ratification par le président Obama. En effet celui-ci a choisi de ne pas passer par le Sénat ce qui n’est possible que pour les accords internationaux relevant des compétences de l’exécutif. La lutte contre le changement climatique est-elle une compétence de l’exécutif ? Ce n’est pas certain et la Cour Suprême va être amenée à se prononcer à ce sujet dans une autre affaire (West Virginia v. EPA). Mais ces disputes ne changent rien du point de vue du droit international, comme le confirme l’art. 46 de la Convention de Vienne un texte international reste valable même si sa ratification a violé les règles nationales sur la compétence pour conclure des traités.
En résumé, du point de vue du droit international, les États-Unis sont déjà irrévocablement engagés et les deux voies présentées plus haut sont les seules qui permettent de quitter légalement l’Accord de Paris.
Cependant si le président Trump décide de s’affranchir du droit international une troisième option s’offre à lui : il peut annuler purement et simplement l’executive agreement par lequel le président Obama a ratifié l’Accord de Paris. Ou bien attendre que la Cour Suprême (à majorité républicaine) l’invalide.
Il pourra ensuite laisser l’Accord prendre la poussière (comme ce fut le cas pour le Protocole de Kyoto) ou bien relancer un processus de ratification et soumettre le texte au Sénat, qui le rejetterait très certainement. Kevin Cramer, qui conseillait Donald Trump sur les questions d’énergie pendant la campagne, a laissé entendre que ce serait au Sénat de porter le coup fatal à l’Accord de Paris.
Bien que conforme au droit américain, cette façon de procéder viole évidemment le droit international. Mais qui peut contraindre les États-Unis ?
En apparence, cette option diffère des précédente seulement par un désengagement immédiat. Cependant sa portée politique serait autrement plus dévastatrice : elle ferait passer le message que les engagements internationaux des États-Unis s’inclinent devant le bon vouloir du président, au-delà de la lutte contre le changement climatique c’est l’idée d’un ordre international régi par le droit qui serait remis en cause.
L’option passive-aggressive
Mais à quoi bon quitter l’Accord de Paris ? Au fond, personne ne peut obliger un État à tenir ses engagements, surtout s’il s’agit de la première puissance mondiale. D’ailleurs les engagements pris dans les (I)NDC lors de la COP21 ne sont pas juridiquement contraignants…
Une dernière possibilité serait donc tout simplement d’ignorer l’Accord de Paris et les engagements climatiques du président Obama. Elle pourrait être complétée par une sortie de l’Accord par une des voies décrites dans les paragraphes précédents.
Dans tous les cas, et particulièrement pour les trois derniers, le retrait des États-Unis marquerait une volonté de rupture avec la communauté internationale qui irait au-delà de la seule question du climat. Y a-t-il une chance que le président Trump s’engage réellement dans cette voie ?
Partira, partira pas ?
Évidemment, il n’existe aucune certitude. Donald Trump a fait beaucoup de promesses en n’hésite jamais à se contredire. A la veille de son inauguration, il apparaît complètement imprévisible…
Il s’est engagé fermement pour une sortie de l’Accord de Paris pendant sa campagne mais il a semblé adoucir son discours après son élection. Et, sur ce sujet comme sur d’autres, les membres qu’il a choisi pour son cabinet semblent plus modérés que lui (ce qui, certes, n’est pas très difficile). Après un moment de sidération, beaucoup d’acteurs de la lutte contre le changement climatique affichent désormais un prudent optimisme, ou un pessimisme modéré.
Autant le dire tout de suite : je ne partage pas cette opinion. Je m’attends à ce que le président Trump tienne sur ce sujet la promesse du candidat et tente très vite de quitter l’Accord de Paris.
Pourquoi ? Parce que Donald Trump prend le pouvoir en étant déjà impopulaire et sous le regard d’un Congrès qui ne lui est acquis que sur le papier, l’appareil du parti Républicain restant très méfiant. Avec ce capital politique limité, il ne pourra pas tenir la majorité de ses promesses. Pour conserver le soutien de la base d’électeurs très engagés qui l’a porté au pouvoir, le nouveau président devra entretenir l’apparence d’une rupture en mettant en scène des annonces spectaculaires.
La sortie de l’Accord de Paris est un candidat idéal pour cela : cette décision peut être prise rapidement par le président seul et, dans son esprit, elle ne coûte probablement pas grand chose. Au contraire elle satisferait le parti Républicain, ses élus et ses donateurs. Même les réactions indignées, mais probablement peu suivies d’effets, que cette décision susciterait dans la communauté internationale pourraient être mises à profit : comment mieux symboliser une Amérique qui impose à nouveau ses règles à la planète ?
En bref, je ne serais pas surpris que la sortie de l’Accord de Paris fasse partie des toutes premières décisions de Donald Trump après son inauguration.