Réunis depuis le 26 mai au théâtre des Amandiers à Nanterre, 200 étudiants venus de 40 pays différents travaillent jusqu’à dimanche 31 mai à une simulation en grande dimension et en temps réel des négociations de l’ONU sur le climat.
L’opération baptisée « Paris Climat 2015 : Make It Work » des jeux de rôles pour une mise en scène artistico-politique. Pour cela, les étudiants ont été formés à la prise de parole et ont travaillé en amont sur leur « positions papers ».
Une mise en scène artistico-politique
A la différence des négociations actuelles, les entités présentes visent à représenter la complexité du monde dans lequel on vit et incarnent pour certaines des dimensions oubliées du processus de l’ONU: les entités « non-nationales » et les entités « non-humaines » (le web, l’océan, les forêts, etc.).
Impulsé par le philosophe Bruno Latour et l’ambassadrice du gouvernement français chargée des négociations Laurence Tubiana, ce théâtre des négociation a été conçu par SPEAP (l’École des Arts Politiques de Sciences Po, fondée par Bruno Latour) avec Frédérique Aït-Touati, des étudiants et des chercheurs de Sciences Po. Mis en œuvre par Philippe Quesne avec l’ensemble des équipes de Nanterre-Amandiers, il a aussi bénéficié de l’implication du collectif d’architectes allemands Raumlabor et du concours de la Parsons School of Design et de L’École Nationale d’architecture de Paris-Malaquais.
Comme l’explique cet article de Slate, en « s’appuyant sur le potentiel inestimable des arts politiques, le « Théâtre des négociations » invite à une autre vision du monde et à une autre gestion du problème climatique. Ce faisant, il prouve que la question climatique n’est pas nécessairement éloignée de la société civile et que nos modes de vie, nos visions du futur et notre façon de composer un monde commun sont directement impliqués ».
Mathilde Imer, ex-étudiante de Sciences Po engagée sur ces sujet depuis la simulation à laquelle elle a participé après la COP15 à Copenhague, fait maintenant partie de l’équipe en charge de Make it Work. Pour elle, « on joue vraiment le jeu dans cette mise en scène. Pour moi ce fut un fort choc émotionnel et c’est de là qu’est né mon engagement: j’étais dans la délégation allemande et je voyais que ce que j’apprenais en cours était réel, ça a été hyper violent… A la fin de l’exercice on était frustré, on voulait que ce soit utile mais ça ne servait à rien. C’est de la qu’est né Cli’mates, puis Cop in my city« .
En modifiant les entités présentes autour de la table des négociations, les participants sont appelés à travailler la sémantique, à redéfinir les territoires impliqués. « Nous réfléchissons ainsi au narratif qu’il faudrait arriver à construire pour déboucher sur une autre COP. Pour parler du changement climatique, nous devons parler de choses concrètes. Cette mise en scène ayant lieu dans un théâtre, elle nous oblige d’autant plus à être compréhensible pour le public » ajoute la jeune femme jointe par téléphone jeudi 28 mai en fin d’après-midi.
Grandeur nature
Sur twitter avec le hashtag #COP21MIW on trouve même des comptes ouverts par certaines entités désireuses de partager leur vécu de l’intérieur.
Parti des règles du jeu onusien, les étudiants sont peu à peu sorti des normes pour imaginer d’autres possibles. « En modifiant les règles du jeu on donne la possibilité aux entités d’être plus créatives, de représenter des territoires de négociations différents » explique Mathilde Imer. De quoi faire évoluer la notion de narratif sur le Changement climatique en intégrant la parole des entités de notre quotidien encore oubliées des véritables négociations.
Comme le formule bien Kalli Giannelos en conclusion de son article sur Slate :
Au service de cette conception innovante de la représentation politique, les arts sont convoqués comme potentiel d’invention de formats politiques originaux, à partir des ressources multiples offertes par le Théâtre des Amandiers. En réponse au constat de l’épuisement de la politique par l’usage de schémas usés ou fermés, la jonction entre l’action politique et la création artistique insuffle une nouvelle dynamique donnant lieu à des formats susceptibles de dépasser ces limites. Ces négociations climatiques simulées font converger les arts, la politique et les sciences, à travers une réarticulation singulière qui fait émerger ce qui, en politique, demeure latent ou en périphérie. Les arts politiques interviennent alors pour conférer à la représentation une exigence nouvelle, en l’occurrence celle de représenter les êtres avec lesquels on est en relation. Ce qui sous-tend cette position est le constat que le réalisme ordinaire n’est pas réaliste : là où il marque des ruptures, les arts politiques proposent de composer. Le mouvement qui en résulte part de la décomposition vers la composition, ou bien de la déconstruction vers la construction, pourrait-on dire. La forme qui est construite se veut sensible aux êtres nouveaux qui sont représentés : il s’agit de s’approcher d’eux en utilisant des moyens nouveaux, non pas en scindant le medium de représentation de leur discours mais bien en fusionnant les deux. Le medium laisse alors transparaître les difficultés en présence et intervient comme catalyseur, en ce sens que l’impact des arts dans la politique constitue une puissance d’accélération.
Une affaire à suivre de près donc, sans simuler.
++ Plus d’infos ++
- Vous pouvez assister au théâtre des négociation ce samedi entre 13h à minuit ou demain dimanche 31 mai de 13h à 22h.
- Le programme heure par heure et les détails pour venir, c’est par ici : COP21-Makeitwork.
- Vous pouvez aussi visionner le Sumrise de l’événement