Que se passe-t-il quand on réunit plusieurs écosystèmes du changement dans un même lieu? Ils prennent des cafés, tous ensemble. Et ils parlent. Ils parlent beaucoup. Ils rêvent, débattent et se racontent leurs horizons communs. Et puis ils inventent un nouveau pays qui existe déjà, qui est à la fois tout petit et grand. Très, très grand. Ce pays, c’est la bienveillance et l’espace de paix à l’intérieur de nous. C’est le ver de terre de nos potagers, c’est l’abeille qui butine et pollinise, c’est la matière organique des sols, c’est la micro-éolienne, le panneau photovoltaïque, c’est le boitier d’efficience énergétique, c’est la monnaie locale, la banque éthique ou encore celle du temps, ce sont les villes autosuffisantes, végétales, piétonnes, connectées, ce sont les autoroutes de l’énergie. Ce sont les entreprises libérées. Ce sont les Fabs labs, l’économie collaborative, l’économie symbiotique, du bien commun, le pair à pair, la démocratie ouverte, le co-habitat. L’open source. Ce pays c’est notre énergie partagée. C’est le leadership distribué. C’est la somme de toutes les autonomies individuelles reliées en humanité.
C’est le changement d’échelle de la conscience collective. Le local et le global imbriqués. C’est un « village glocal ».
Il interconnecte nos territoires de réinvention. Il est la charge de la preuve demandée à nos patries: prouvez-nous que ce que nous sommes est impossible à mettre en place à l’échelle planétaire. Les solutions existent ! Partout. C’est la stratégie du choc à l’envers, comme le suggère Flore Vasseur : « Et si nous profitions du choc pour faire passer des mesures inacceptables pour les pouvoirs en place. Le but ? Rendre les citoyens plus forts. »
Nous, qui malgré toutes nos bonnes intentions et nos « super-pouvoirs », ne savons pas toujours travailler ensemble. Nous qui nous sentons parfois vulnérables, mais avec une énergie qui bouillonne à l’intérieur, avons saisi l’opportunité offerte par Place to B et permise aussi par la sérendipidité de nous retrouver autour d’une table, à deux, puis trois, cinq, dix, quinze, vingt. La même question sur toutes lèvres : « On fait quoi ? »
A l’unanimité nous nous sommes dits qu’il n’est plus l’heure de dépenser notre énergie à convaincre seul dans son coin, mais plutôt à agir à l’échelle collective. Tous ensemble. La preuve par l’action positive. Quitterie de Villepin, fondatrice de #Mavoix a suggéré l’idée de faire l’inventaire de nos échecs, pour ne plus répéter les erreurs de passé et ne pas reproduire l’ancien système, encore et toujours. « Nous ne sommes pas suffisamment solidaires entre nous, au sein nos écosystèmes, nous gagnerions à davantage coopérer avec tous et à se protéger les uns les autres quand on prend des coups », constate Mathieu Baudin, fondateur de l’Institut des Futurs souhaitables.
Pour fédérer tous les écosystèmes autour d’une idée qui nous dépasse et mettre de côté nos égos, l’idée a émergé. Il y a quelques mois, le philosophe Patrick Viveret avait émis le souhait de créer un nouveau pays : Positiva. Mais son heure n’était pas encore venue, jusqu’à ce vendredi matin 4 décembre dans le hall de Place to B.
Une idée pas si saugrenue, quand on y réfléchit bien.
NOUS sommes ces nouveaux territoires.
Depuis des années, nous explorons des territoires sans carte. On a d’abord marché seul, à l’intuition, puis on a fait connaissance avec des compagnons de route. Au fur et à mesure des années, nous avons été de plus en plus nombreux à cheminer dans les quatre coins de la planète. Mais nous n’avions pas encore conscience de nous-même, de notre impact positif à l’échelle globale. On a parfois peiné à visualiser ce pourquoi nous nous battons, ou on s’est échiné à donner de la voix. Et pourtant, notre cœur, notre seule boussole, nous a indiqué de continuer. Y arriverons-nous ?
« Seul on avance plus vite, ensemble on avance plus loin ». Et si on osait enfin ETRE soi et nous-même ? Et si nous assumions que NOUS sommes ces nouveaux territoires. Nous constituons la somme de tous ces citoyens du monde qui ont déjà imaginé un nouveau contrat social, une nouvelle manière de vivre ensemble, un nouveau rapport à soi, à l’autre, à la collectivité, à la terre, au temps, à l’argent, au travail, un pays avec de nouvelles monnaies, une nouvelle économie, un pays où la puissance a remplacé le pouvoir, l’empathie a remplacé la compétition.
De quoi avons nous peur ? Et si nous étions finalement la majorité silencieuse ? Ce nouveau pays c’est NOUS, c’est toi, c’est moi, ce sont tous ces écosystèmes sur la planète qui réhabilitent le vivant, l’humain, l’environnement, la gentillesse, l’amour même, qui réfléchissent depuis des années à la nouvelle Terre. Nous, qui souhaitons ETRE le changement. Pas de prosélytisme, pas d’égo, pas de « con-vaincus ». Juste une terre fertile de possibles. Une terre de créativité et de bienveillance. Qui accueille.
Mais alors comment faire ? Isabelle Delannoy, suggère un modèle de gouvernance symbiotique, d’autres parlent aussi des principes de l’holacratie : on donne aux citoyens la possibilité d’être eux-mêmes des leaders, et d’interagir et de décider d’une façon coopérative. Etre pleinement soi au service de la collectivité.
Et à ce pays, que souhaite-t-on lui apporter ? Mathieu Baudin dessine alors ce qu’il a appelé une « give box », la boîte des dons : chacun est invité à donner à ce territoire, son talent, son expertise. La give box récolte lors de la première réunion, un congrès du futur, un nouveau modèle économique symbiotique inspiré du fonctionnement du vivant, un outil de démocratie ouverte « ma voix », un roman en deux tomes « Le siècle bleu » qui raconte la naissance du nouveau monde, un manuel de transition audiovisuel vers la société post-carbone objectif 2050, un ambassadeur du sourire Elyx.
La réunion commencée par une minute de silence se termine par le projet d’un work shop lundi 7 décembre. Un atelier créatif dont la poésie a peut-être un peu impatienté certains présents à la réunion, qui pensent qu’il faut agir vite, maintenant. Que doit-on alors retenir de cette initiative pour l’instant ? Pour Patrick Viveret, il s’agit d’un « pays témoin » de la société civile mondiale, sans frontières qui saisit l’opportunité de la COP 21 pour réinventer un serment du jeu de paume. Selon lui, ce pays doit s’engager à prendre des responsabilités, à continuer à rassembler les différentes initiatives, quelles qu’elles soient, et ce d’une manière inclusive.
La question, posée peut-être un peu trop tôt au sein des discussions, est celle de l’initiation d’un processus constituant sur les différentes échelles de territoires : « il y a un enjeu évident de prendre en charge collectivement la résolution de problèmes que des institutions poussiéreuses n’arrivent plus à gérer » réfléchit-on, toujours autour d’un café.
Mais au cas où nous aurions déjà le tourni, où l’on douterait d’un projet probablement fou dont on nous dira qu’il ne marchera jamais, et qu’il est le produit d’intellos-bobos-poètes-rêveurs et « bisounours » de surcroît, n’oublions pas : TOUT existe déjà. La déclaration universelle des citoyens, du peuple de la terre et du vivant. Les objectifs du développement durable, des éléments de droits internationaux. Et Nous tous. Nous travaillons depuis des années à la meilleure manière de contribuer positivement à la société. Nous avons toutes les solutions.
C’est peut-être le moment de nous faire enfin confiance (et de s’aimer!)… en essayant de nous appuyer sur le meilleur de nous-même, à l’échelle individuelle et collective. Ce pays nous attend, il embrasse déjà nos projets, nos rêves. Il nous accueillera tels que nous sommes, avec nos aspérités, nos différences et notre vulnérabilité. Peu importe où nous en sommes, du moment qu’on le rend tangible et que nous nous y sentons vivants, pleinement empreints de notre essence et de notre humanité.
Valérie Zoydo, (d’après mon ressenti de tous les échanges eus à Place to B, alors Merci aux 15 personnes qui ont eu la bonne idée de prendre un café ensemble, aux 172 membres du groupe Positiva sur facebook , merci à toutes personnes qui étaient présentes au work shop, merci à Jérôme Cohen pour l’animation du Work shop, merci encore à toutes ces conversations partagées dans le hall de Place to B, merci à vos rêves, merci à votre enfant intérieur ! ).