À l’heure où la menace terroriste plane sur nos centrales, Yannick Monget nous met en garde :
« S’il y a un accident nucléaire, il n’y a pas de sortie possible »
Âgé de 36 ans, Yannick Monget travaille depuis plusieurs années autour de la sensibilisation du grand public au réchauffement climatique. Il est le président fondateur du groupe Symbiom, qui a pour but de faciliter la communication scientifique à travers l’art et les nouvelles technologies (à lire : COP21 • La Mairie de Paris habillera ses grilles des œuvres de Yannick Monget).
On se rend vite compte à la lecture de votre roman Résilience que votre travail de collecte d’informations est très pointu. Certaines sources ont-elles été difficiles d’accès?
Il m’a fallu trois années pour écrire ce roman. J’ai pris mon temps, mais je n’ai pas été confronté à la mystique omerta autour du nucléaire. Je me suis entouré d’ingénieurs du CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) et également de personnes « ressources » comme l’ancienne ministre et avocate spécialisée dans le droit environnemental Corinne Lepage qui m’a aidé par exemple à imaginer toute la partie qui concerne la réaction du président de la République et de son entourage lorsque survient la catastrophe. Finalement cet ouvrage sert vraiment à se projeter, à se dire « dans cette situation précise, voilà ce qui va se passer ». Tout ce que je relate est vrai : je montre la désorganisation des services de l’État face à une catastrophe que l’on ne maîtrise pas.
Avec la menace terroriste qui est d’actualité, on ne peut pas s’empêcher d’imaginer ce qui se pourrait se passer si une centrale était visée…
Surtout quand on se dit qu’il n’y a pas besoin d’explosion pour attaquer une centrale : même un petit avion de touriste peut provoquer une catastrophe. Le réacteur est généralement blindé, mais la piscine de refroidissement située juste à côté a un blindage équivalent à… un hangar agricole !
C’est de la folie, de l’aveuglement…
En France, peut-être parce que l’on baigne dans un environnement un peu cassandresque, on a tellement de scénarios catastrophes qu’on n’arrive plus à faire la différence entre les fausses catastrophes et les vraies menaces. Pour moi les trois menaces majeures sont : le réchauffement climatique, le nucléaire et la pollution chimique.
L’illustration ci-dessus et l’image utilisée en bandeau de cet article sont issues de la même série. Réalisées par Yannick Monget, elles nous plongent dans des représentations apocalyptiques de Time Square à New York ou de la capitale française…
C’est donc à travers une projection dans un futur chaotique que vous souhaitez amener vos lecteurs à changer de comportement ou du moins à prendre conscience du monde qui nous entoure ?
C’est vrai que j’essaye de faire peur au lecteur dans mon roman, mais à travers « la bonne peur ». C’est-à-dire qu’il y a une différence entre vouloir faire peur et créer de la fausse peur. Quand le Front National crée de fausses peurs en disant que tous les étrangers comportent une menace etc., ça c’est jouer avec la peur et c’est très dangereux. La peur est un bon sentiment, un sentiment nécessaire. C’est d’ailleurs une réaction d’ordre biologique, une réaction réflexe : c’est la peur de l’accident de voiture qui va nous faire éviter de prendre trois verres d’alcool avant de conduire. J’essaye seulement de faire prendre conscience ! Le vrai danger c’est de ne pas en avoir peur [du nucléaire].
Lorsque j’ai publié mon livre Terres d’Avenir en 2009, j’ai réalisé une image qui représente Tokyo évacué à cause d’un accident nucléaire, au Nord de la ville. Quand le livre est sorti, tout le monde me disait « Mais arrête, un accident, qui plus est au Japon, pourquoi tu vas te casser la tête? Il y a 400 sites nucléaires dans le monde, pourquoi pas plutôt un pays d’Europe de l’Est ou aux Etats-Unis ? Tu fais du catastrophisme exprès, tu veux faire peur parce que tu sais qu’il y a une énorme population qui serait touchée ». Le problème c’est qu’à Tokyo, on pense justement avoir la technologie la plus sûre ; mais c’est à partir du moment où on est trop sûr de soi que l’on prend des risques, parce que justement on ne prend pas garde. Et Fukushima est arrivé…
Faut-il attendre des accidents comme Fukushima pour inciter la scène médiatique à s’emparer du sujet ?
Malheureusement, c’est ce qui risque d’arriver tant que l’on n’est pas touché soi-même. Tchernobyl a commencé à soulever des questions et briser des tabous, mais beaucoup de personnes continuaient à défendre le nucléaire malgré cette catastrophe. Jusqu’à Fukushima, un épisode traumatisant. Nicolas Hulot fait partie des gens qui ont totalement changé leur discours depuis. D’autre auront « besoin » d’un accident plus proche de chez eux ou plus violent pour se rendre compte du danger réel, mais il sera beaucoup trop tard pour réagir.
Le problème, c’est que si vraiment on a un accident, et une seule centrale touchée suffit, la France et l’Europe seront à genoux. La France est un pays dont l’économie est basée sur le tourisme, qui a déjà subit de plein fouet les récents attentats de Paris. Si un accident nucléaire devait arriver sur notre territoire, toute la production serait polluée et l’économie française devrait tirer sa révérence. Si une centrale comme celle de Fessenheim devait exploser, les dégâts qui s’en suivraient seraient comparables à ceux engendrés par une grande guerre.
L’auteur ne se contente pas de nous projeter dans des paysages désertés par la vie – ouf ! Une série d’infographies imagine un futur dans lequel ville et Nature évoluent en harmonie...
Résilience, c’est le titre de votre ouvrage. Il y a donc tout de même un espoir ?
Oui, je voulais une histoire avec une porte de sortie et une notion d’espoir. Dans chaque livre que je fais, j’essaye toujours de trouver une solution à la fin, une pirouette. Si on veut que les gens changent, il faut leur expliquer aussi qu’il y a des solutions !
Quelles seraient alors les solutions ?
Les solutions, elles existent ! Je suis lorrain et je vois comment l’Allemagne crée de l’emploi, résout le problème de l’énergie, fait baisser les gaz à effet de serre malgré le mythe qui circule et qui laisse penser le contraire. L’ADEME elle-même (l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) qui est une agence gouvernementale montre qu’on peut sortir à la fois du nucléaire et des énergies sales.
Qu’est ce qui a fait le déclic dans la politique allemande ?
Il y a eu l’expérience catastrophique de Fukushima bien entendu, mais la transition énergétique allemande était déjà amorcée en amont. Je pense que les allemands ont peut-être été confrontés à la crise du gaz à effet de serre, comme les chinois récemment. Et les Verts allemands ont beaucoup plus d’importance et sont bien mieux structurés que les Verts français… Il faut que les politiques, qui n’ont que le mot « emploi » à la bouche, prennent les devants. Je reste persuadé que l’écologie ne doit pas être une histoire de partis politiques. C’est comme faire un parti politique sur la Science ou l’Histoire : ça n’a aucun sens. Tous les politiques devraient en faire !
Vous l’aurez compris : la lecture de ce roman est recommandée à tous ceux qui souhaitent en savoir plus sur l’énergie nucléaire et ses conséquences pour notre planète.
Pour plus d’informations, vous pouvez aller faire un tour sur la page Facebook dédiée au roman.
Et pour ceux qui hésitent encore à lire le livre : la bande annonce publiée lors de la sortie de l’ouvrage finira peut-être (en tous cas on l’espère) de vous convaincre :