Alors que le TGV m’emmène loin de Paris, loin des rires, de la musique et des discussions joyeuses de Place to B, c’est le moment pour moi de faire le bilan de ces dix derniers jours, et en particulier du temps passé à la Creative Factory.
Pourquoi s’inscrire à la Creative Factory ?
J’ai passé les 5 dernières années de ma vie à imaginer un univers crédible pour un roman d’anticipation. Ce travail, dont je n’avais pas imaginé la complexité au départ, m’a amené à faire face à plusieurs difficultés. La première : comment raconter la relation de l’homme à la nature d’une façon moderne ? La deuxième : comment arriver à projeter les lecteurs dans un futur proche sans pétrole avec des problèmes climatiques, réaliste, mais sans tomber dans un univers glauque du type« La Route » de Cormac McCarthy, dans la pure science fiction ou dans les clichés écolos militants ?
C’est donc tout naturellement que je me suis inscrite à deux sessions de la Creative Factory « The Balm of Nature » une exploration de la relation de l’homme à la nature, et « Life’s renewed », comment imaginer l’avenir autrement.
Que s’est-il passé à la Creative Factory ?
Comment vous raconter l’incroyable énergie qui a transcendé ces journées ?
Nous venions d’Australie, d’Angleterre, de Norvège, de France, d’Inde, d’Hawaï, du Canada, de Roumanie, d’Italie ou encore des Etats Unis. Ensemble, nous avons réfléchi à la manière dont nous avons parlé de l’écologie ces 40 dernières années, du discours plaintif et culpabilisant de l’écologie des années 80, celui qui fait fuir le grand public. Nous avons partagé nos frustrations, nos peurs pour l’avenir des Hommes, notre chagrin de ne pas parvenir à toucher nos amis, parfois même nos familles, avec un sujet qui nous semble si essentiel. Cela nous a fait du bien de voir que d’autres nourrissaient les mêmes convictions, les mêmes espoirs.
Nous avons écouté des porteurs de projets géniaux comme Tristan Lecomte et Pierre Bloch avec l’agroforesterie – Pur Projet, Pierre Cattan producteur transmédia, auteur de l’expérience narrative Morphosis liée au film de Jacques Perrin « Les Saisons », Stephen Bygrave avec les énergies renouvelables – Beyond zéro emission, ou encore la géniale auteure du mouvement futuriste Solar Punk Project initié en Angleterre.
Nous avons créé des histoires surréalistes du XXIème siècle en mettant bout à bout des phrases imaginées par différents groupes : “The zombies were working, eating, sleeping. Happiness remained in the horizon and the awakening of a new consciousness was happening. Change was in the air. So they started planting trees on the roof and put some beehives. And many leaders arose from the gardens. And they reminded us that we are brothers and sisters to the worms . And we need to learn from them to nurture the soil and the soul.”
Une énergie libératrice
Durant ces 3 intenses journées passées à la Creative Factory, guidées d’une main de maître par David Holyoake, Ophelia Noor, Chris Aldhous et Tiphaine Bonnier, nous nous sommes permis toutes les folies en imagination, toutes les experiences créatives, sans jamais avoir peur de nous tromper. Et que c’était bon ! Que c’était libérateur !
Nous sommes arrivés seuls avec chacun nos idées, notre histoire, nos savoirs, et nous avons collaboré intensément, mis nos énergies et nos talents en commun pour aboutir à des projets artistique concrets. A la fin de chaque session nous avons partagé le fruit de notre travail d’équipe avec une excitation de gosses.
A titre personnel, je suis particulièrement fière d’avoir inventé le jeu de cartes « Wild » avec Scott Shigeoka, William Tan et Carolyn Monastra, lors de la session « Balm of Nature ». Notre idée ? Reconnecter l’homme à sa nature grâce à un jeu simple, accessible à tous et ramenant chacun à ses propres souvenirs liés à la nature. Vous pouvez d’ailleurs télécharger ce jeu avec les règles, pour l’essayer avec votre famille ou vos amis, et même vous connecter à la Wild communauté Facebook.
Au fil des jours, nous avons repoussé les limites de notre pensée. Nous avons envisagé l’impossible. Et découvert que d’autres l’avait déjà inventé. Nous avons fait parler les plantes dans les rues de Paris, nous en avons même plantées. Nous avons créé un nouveau langage, fouillé de nouveaux concepts. Nous sommes passés de bee keepers à planet keepers, puis à human keepers. Nous avons vu à quoi pouvait ressembler un immeuble avec des jardins à l’intérieur. Nous avons médité et mangé ensemble, joué et chanté à l’unisson. Nous avons tissé un nouvel imaginaire collectif, inventé de nouveaux rituels.
Et après ? What’s next ?
Le train roule dans la nuit. Quand je ferme les yeux, je retrouve la formidable énergie de ces dix derniers jours, une sorte de boule rayonnante au creux de la poitrine. Je me sens épuisée, mais profondément nourrie. Une phrase de David Holyoake me revient en tête : “ It is amazing that these kind of experiences are so rare ! “ Mais oui, pourquoi ces expériences de partages créatifs si inspirants autour de l’avenir n’ont-elles pas lieu plus souvent ? Comme l’écrit Scott sur sa page Facebbok : ‘The arts have a significant place in this conversation. We respond to beauty. We have seen the arts raise awareness and build community during these two weeks alone.”
Durant dix jours, j’ai intensément vécu, je n’ai parlé que de l’essentiel. J’ai eu l’impression de faire partie d’une famille humaine créative, joyeuse et sensible, pleine de ressources et d’imagination, consciente de son impact sur la planète et soucieuse de l’avenir. Durant 10 jours, j’ai vu le visage d’une belle humanité, respectueuse, unie autour d’un même espoir. Et cette expérience m’a profondément marquée.
Je sais désormais pour l’avoir ressenti, que si des pensées et des systèmes destructeurs sont à l’œuvre en ce monde, il existe aussi en chacun de nous une force intérieure vibrante, empathique, profondément connectée aux origines de la vie. Parfois, elle est presque éteinte, comme une étincelle au milieu de la cendre. Mais rassemblez des hommes dans une même pièce, demandez-leur de souffler ensemble. L’étincelle devient une flamme brûlante et joyeuse, une vraie fête des lumières.
Et n’est-ce pas ainsi que naissent les révolutions ?
Eve Demange